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Art et artistes

affiche allo le grete

Le 16 décembre 2009 a eu lieu une rencontre de réflexion sur "Histoire des arts et pratique artistique".

I - Pourquoi cette rencontre ?
Pour:
• Poser une question : comment généraliser l’éducation artistique et culturelle à tous les élèves et à l’ensemble du cursus scolaire : du primaire au secondaire ?
• Faire connaître le B.O. du 08/08 sur l’histoire des arts, en débattre avec vous, pour relancer une utopie collective sur l’éducation artistique et culturelle que nous défendons depuis si longtemps (consulter notre site) ?
• Pour assurer la transmission de notre démarche, de nos expériences qui retracent l’évolution de cette histoire depuis 1985.
• Pour constituer un groupe de réflexion regroupant enseignants, artistes, relations responsables publiques dans un séminaire sur « histoire des arts et pratique artistique » qui déboucheraient sur des projets à inventer, un projet, pourquoi pas, fédérateur en se servant de 2013 Marseille capitale culturelle.

II - Trois parties abordent :

Dans un premier temps le GRETE a fait part de son point de vue :
- Mireille Grange en tant que Présidente.
- Denis Chapal résumant le B.O. et sur les questions que l’on se pose.
- Laure Polizzi (collège Edmond Rostand) concrètement ses questions face au B.O. qui doit être mis en place dès cette année au collège,
Ensuite la parole est donnée à la salle et les responsables EN et Culture ont répondu ensuite comment mettre en place des projets communs.

Le GRETE qui défend depuis 1985 une éducation artistique pour tous fondée sur la pratique du faire et voir avec les artistes sur l’ouverture à la création et l’écriture contemporaine contribue à la formation, à l’expérimentation, à la réflexion dans le champ du théâtre/éducation et propose à tous des colloques qui interroge le théâtre.

Si nous sommes optimistes, et nous le sommes, le GRETE se réjouit de voir enfin affirmée la généralisation et l’intégration de l’obligation artistique et culturelle au cursus scolaire. Nouveau chantier à mettre en place et comment ?
Les B.O. N°3 du 18/01/07, N°5 du 01/02/07 et celui qui nous concerne leN°32 08/05/08.

Voilà les enseignants enfin déculpabilisés, puisque tous les enseignants doivent avoir le souci de l’enseignement de l’histoire des arts dans leur enseignement, tous les établissements scolaires devant avoir un volet culturel et toutes les structures culturelles financées un projet vis à vis des publics scolaires, et l’on pourrait croire qu’on arrive au terme d’une évolution commencée dans les années 1970 après les 10% puis la création de l’Action culturelle, les créations des enseignements artistiques, et autre dispositifs, désormais chaque élève pourra recevoir un parcours culturel et artistique du primaire à la terminale.

Mais nous sommes méfiants, comment est-ce réalisable ?
- L’ "histoire des arts" : un enseignement confié à tous les enseignants ?
- Ne privilégie -t-on pas la médiocrité, le désir ne suffit pas !
- Comment former les enseignants ?

Attention ne fait-on pas semblant de s’occuper des arts, ne s’agit-il pas d’une attaque contre les enseignements artistiques d’autant qu’à l’épreuve du Bepc il est spécifié «valoriser une pratique personnelle développée dans ou hors du cadre scolaire» ?
Est- ce l’amorce de la marchandisation des activités culturelles ?
N’est-ce pas privilégier le patrimoine et les Beaux-arts quant le pass’éducation du 3 avril 2009 permet aux enseignants en activité un accès libre aux collections permanentes des musées (57), des monuments historiques (87) et le libre accès au moins de 26 ans ?
Et surtout que devient la pratique artistique avec les artistes, où sont les crédits pour l’intervention des comédiens, musiciens, peintres ?
Dans les établissements scolaires comme dans les structures culturelles, tout financement d’artistes est à prendre dans le budget global, mais chacun à d’autres projets que l’action artistique en milieu scolaire,qui n’est pas à ce jour encore, hélas, prioritaire ; Les établissements payent les droits des photocopies, le fonds d’action sociale, les structures culturelles leur programmation, leurs création avant les projets en direction des élèves.
Qui va décider que ça vaut le coup et qu’un important pourcentage du budget global pourrait y être consacré ? Et un autre blocage, les enseignants n’ont pas de d’heures de concertation prévues pour mettre en place les projets.

- Enfin il ne reste que les stages conjoints, EN/Culture, les stages d’établissements et nos capacités de rêver et d’inventer…
Et que sera la nouvelle réforme des lycées ?

Rappelons la pratique du GRETE depuis 1985

Elle a évolué et accompagné les différents moments du développement des projets culturels et artistiques.
Personnellement j’ai vécu toutes les étapes depuis 1975 les 10% libérant le temps et les activités des enseignants, les PAE et le développement de l’Action culturelle, l’expérimentation et la naissance des enseignements artistiques que j’ai moi même initiée avec le partenariat EN/Culture.
Développement des projets, évolution mais aussi des difficultés contradictoires mais toujours le GRETE a tenu et tient à quelques principes simples qu’on peut généraliser pour l’histoire des arts à partir du théâtre :
- l’art est nécessaire à l’école, il faut faciliter son accès (nous avons crée le Pass’Arts dès 1987).
- la pratique du faire et du voir sont indissociables : donner le goût passe par le plaisir et le corps.
- la nécessaire expérience avec les artistes, expérience vécue faite d’itinéraires singuliers mettant en évidence qu’il n’y a pas de réponse toute faite, qu’on cherche ensemble, qu’on bricole avec ses capacités, ses failles, que les ratés, les brouillons font partie du processus, laissant des traces qui un jour prendront forme.

Le GRETE a :
1° Etape
- dans les années 1985-95 organisé des assises chaque année afin d’analyser les pratiques autour du théâtre et de développer le partenariat dans les projets.
Le théâtre était soit un moyen d’enseigner autrement, de socialiser un outil au service des apprentissages fondamentaux dans et hors temps scolaire, la représentation à préparer prenait l’ensemble du champ d’expérience artistique, nous avons défendu l’expérimentation, la présence de l’artiste complémentaire et non concurrent de l’enseignant ,ça n’a pas été facile comme l’ont prouvé les Assises sur l’analyse du couple EN-Culture, mais c’est aujourd’hui acquis.

2° Etape
- défendu l’importance de la relation aux œuvres : en ce qui nous concerne le spectacle vivant indispensable à fréquenter mais relativiser le répertoire pour aborder la création contemporaine , les auteurs contemporains à découvrir. Un gros travail a été effectué sur ces deux thèmes.
- organisé un séminaire de réflexion sur l’école du spectateur (quoi comment pourquoi ?) : par ex. les Journées Pass’Arts sont inventées dans l’école du spectateur privilégiant le faire et le voir autour du processus de création spécifique à chaque œuvre, une démarche sensible et artistique d’initiation à la création contemporaine qui n’exclut pas l’analyse, les références avec une pratique vivante et non seulement culturelle, dramaturgique et critique comme souvent .
- Et le Carrefour des arts fut installé quand on a réfléchi sur « le Smic culturel »ou ce qui serait le minimum dans la scolarité de l’élève pour donner le goût des arts et passer d’un art à l’autre.
- organisé un séminaire et actions sur les auteurs contemporains (CNES- La Chartreuse, La Minoterie).
- organisé un séminaire artiste-intervenants pendant deux ans à raison d’une séance par mois : des échanges sur leur pratique avec les élèves, motivations, objectifs, un stage, un colloque, méthodes, les relations avec les enseignants et surtout les structures thé^trales qui les embauchaient pour leur travail en milieu scolaire mais ne diffusaient pas leur œuvres.
Etait-il bon pour l’un et pas pour l’autre ? vaste contadiction du partenariat : était-il artiste ou pas ?

3° Etape
Les années 2000 ont posé moins de problème :
- le partenariat est acquis
- les dispositifs fonctionnent
- mais après l’euphorie du plan Lang que devient l’avenir de l’éducation artistique ?

Le GRETE poursuit ses actions et mène sa réflexion dans le cadre de colloques sur le théâtre lui même:
- Il privilégie le théâtre, en l’interrogeant dans le dialogue avec les autres arts : musique, arts plastiques en particulier mais aussi dans son rôle dans l’école et la société lors de colloques mais ouvert à tous.
- Il propose des actions aux élèves avec les artistes, travaille sur les auteurs contemporains et aborde l’histoire des arts sans le savoir, s’intéressant à la dimension artistique symbolique et sensible autant qu’à la transmission des savoirs et des codes qu’il questionne.
- maintenant cette nouvelle étape de formalisation possible ou d’arrêt nous mobilise pour transmettre nos savoirs faire, pour défendre la pratique artistique, les artistes et ne pas voir seulement se développer des ressources en ligne, des catalogues, des dossiers de connaissances, pour que des projets se fassent autour des pôles ressources dit de proximité avec les intéressés et non pas voir se développer des modules tout faits proposés aux établissements.

C’est pourquoi dans la dernière partie nous ouvrons un séminaire, pour réfléchir à des actions en commun à l’occasion de cette obligation d’éducation artistique et culturelle, essayer de proposer, pourquoi pas un projet global décliné de manière singulière par chaque théâtre avec les artistes, pourquoi pas une formation conjointe en relation avec des stages d’établissements autour du spectacle vivant, histoire des arts et pratique artistique .
Et si 2013 Marseille Capitale culturelle devenait une date fédératrice pour développer l’éducation artistique dans cette période qui nous apparaît sombre pour la Culture?
M.G.

ET SI L’ART ÉTAIT UNE NÉCESSITÉ ?


Cessons de rechercher le théâtre à l’école pour les «bienfaits» (fédérateur de projet, apprendre autrement) qu’il procure, pour ses retombées sur la socialisation, le développement personnel qui se feraient de toutes façons. Introduisons le théâtre parce que c’est un art, un art à la croisée de l’intime, du social, du politique que l’école doit reconnaître comme tel sans souci pédagogique premier . Affirmons que l’art est nécessaire à l’homme tout comme l’air qu’il respire, l’art, à la fois recherche personnelle de la vérité, remise en cause par l’expérience de la sensation, de l’émotion, expérience vécue, faite d’itinéraires irréductibles. A un moment où l’homme face à l’informatique, au virtuel, doit inventer chaque jour, la démarche artistique lui est indispensable : apprendre à cerner l’inconnu, à percevoir l’insaisissable permettre ce va et vient entre le dedans et le dehors, l’intime et le social. La création théâtrale permet d’ affronter l’inconnu qui nous fait peur, permet l’accession au symbolique, la création de langage et l’appropriation du monde par le sujet.
Réaffirmons que l’expérience d’une démarche artistique empirique, brouillons successifs, qui valorise tâtonnement, reprise, abandon, où les échecs et le temps passé participent de la maturation, de l’exigence artistique. et de la forme finale est complémentaire d’une démarche scolaire où l’on doit faire preuve de compétences, rentabiliser le temps, prévoir les étapes, les acquis de savoir faire, de savoir être .Cette tension entre les exigences universelles de l’éducation et les expériences singulières de l'art est bénéfique.
La présence de l’artiste est irremplaçable à l’école, il est celui qui donne accès à l’intime, et qui sait le mieux rendre partageable, et mettre en relation le monde et l’intime par l’élaboration d’une vision du monde, de formes nouvelles qui font découvrir à l’élève qu’il peut à son tour faire oeuvre, inventer son rapport au monde, devenir artiste de sa propre vie.
La démarche artistique se nourrit du vide, des failles, des blocages, des limites, de la singularité de la personne, elle confronte chacun à ce qui est unique et incommunicable de soi et de l’autre. Osons fonder l’altérité en apprenant que l’autre est différent de soi et que le respect de chacun est fondé sur cette différence irréductible et non sur ce qui est commun et qui peut conduire à l’exclusion de l’autre différent
A un moment où le sujet est mis à mal par la déconstruction, la crise, la réponse artistique est un des derniers lieux où l’humain peut se fonder. Il ne s’agit plus d’accumulation ni de comblement mais d’apprendre à vivre et de retrouver le sens de la vie, quand l’économique fait défaut, c’est urgent.
M.G.
 

PÉDAGOGIE ARTISTIQUE ?
Mireille Olmeta
Responsable du groupe théâtre de l’Action Culturelle du Rectorat d’AIX

De quelques points observés à l’Université d’été d’Avignon sur la Transversalité des arts.

Ayant été associée à l’organisation de cette université,j’ai choisi pendant ces quelques jours de circuler au sein des ateliers, occupant différentes places :
- participante le 1er jour :
le matin dans l’atelier musique et l’après-midi dans l’atelier arts plastiques
-observatrice les autres jours , car seul ce rôle d’observateur restait possible, ce qui montre bien l’importance de la continuité et l’évolution d’un groupe dans ce genre d’expérience qu’est le vécu d’un atelier.
J’ai circulé d’un atelier à l’autre restant plus ou moins longtemps, mais allant jusqu’au bout d’une séquence commencée.
J’ai assisté ainsi:
- à une présentation individuelle d’objets détournés chez Michel Laubu
-à une séquence de présentation de la recherche de groupes chez François Lazaro,
-au retour d’écritures individuelles chez Jacques Rebotier et à la fabrication d’une scène collectivement à partir d’éléments d’écriture personnelle
- j’ai assisté enfin à plusieurs moments des ateliers de Nikolaus ,de Virginie Rochetti et de Garth Knox.
Qu’ai-je constaté dans ces ateliers ?
D’abord il s’agissait d’ateliers de travail pratique , pas de retour théorie/pratique ni de références théoriques explicitées me semble t-il. Ce qui confirme cette question que nous avons, nous enseignant: comment mêler les deux en liaison dans une démarche théorico-pratique plutôt qu’aborder successivement ou alternativement la pratique et la théorie? le vécu de la pratique doit il avoir lieu au premier degré sans retour didactique? Les repères théoriques doivent-ils être explicités plus tard et comment concevoir cet aller -retour?
-Dans tous les ateliers comme s’il s’agissait d’un fondamental: comment créer les conditions de travail, le silence, l’écoute du groupe, chaque intervenant avait sa méthode mais tous ont dû former le groupe.
Les stagiaires: enseignants, partenaires, élèves se sont assez bien mêlés dans les ateliers qu’ils avaient choisi, les difficultés,quand elles ont eu lieu, tenaient à des personnalités ; les élèves étaient heureux de découvrir les adultes, interviewés ils ont dit que cela les faisait avancer plus vite.
-Tous les ateliers avaient une référence commune: la première scène de Roméo et Juliette considérée comme inducteur, me semble-t-il, parmi d’autres .
Le texte de la 1ère scène a été utilisé dans tous les ateliers en tant que tel, à l’exception de l’atelier clown. Est-ce dû à cette technique, au groupe, à l’intervenant ?
Le texte a été très vite au centre de l’atelier musique où l’intervenant Garth Knox avait préféré la traduction de Robert Lafond car ce qui l’importait dans le travail” que ça sonne bien”. (le sens du texte n’a pas été au centre et ce, je crois dans la plupart des ateliers.)
Après échauffement, travail d’écoute, travail de respiration, de voix, de déplacement avec une phrase corporelle. Les stagiaires deviennent instrument, disposant des mots de la phrase comme des notes de musique dans 2 chœurs dirigés par un chef d’orchestre . Des galets distribués vont donner par leur heurt un rythme de base.
Voilà dès la 1ère séance les éléments du travail futur sont donnés et le texte est là - matière sonore- prêt à se structurer à travers différentes expérimentations nées des consignes proposées par l’intervenant.
Dans l’atelier arts plastiques, le texte est là au tout début de la séance, matière première, à projection comme le rouge, le noir, le blanc à notre disposition pour une production individuelle.
Les productions individuelles réalisées, affichées, explicitées par leur auteur,les autres stagiaires verbalisant ce qu’ils ressentaient ou projetaient, vont en fait donner à découvrir tous les aspects, les caractéristiques , les tensions de cette première scène. C’est tout à fait étonnant de prendre conscience des formes récurrentes apparues dans les productions : le cercle, 2ou 3 espaces ou moments,ainsi la dramaturgie du texte s’affine peu à peu. On écrit, on discute on peint,on expérimente en petits groupes.Au cours des 4 jours naissent des écritures, performances, installation ,recherche avec l’intervenante disponible, ouverte ,qui est là, écoute, discute, fait une proposition à l’un, à tel autre groupe.
En dehors du texte la plupart des ateliers ont d’autres inducteurs de jeu :le nez de clown et la chaise, du papier, des objets... l’improvisation a été la méthode privilégiée du travail des ateliers.
Dans tous les ateliers le faire était demandé le plus souvent par des consignes verbales, sans modèle, l’individu souvent mêlé en grand groupe et petits groupe cherchait à y répondre d’abord par improvisation il y avait ensuite commentaire de l’intervenant puis reprise des improvisations; selon les ateliers le groupe intervenait ou pas dans le commentaire.
Selon les ateliers, le travail était davantage individuel, comme en arts plastiques,l’écriture,ou le groupe intervenait ensuite comme un chœur qui commente interroge, s’interroge avec l’intervenant qui stimule. S’agit-il de la nécessité inhérente à leur art ou la personnalité de l’intervenant ?
Notons que les ateliers n’étaient pas menés en partenariat enseignant/artiste comme l’exige le protocole qui régit les activités théâtre.
Du rôle essentiel de l’intervenant ou des exigences du travail technique?
Dans ce que j’ai observé, la manière de mener l’atelier, m’a particulièrement intéressée.
Certains étaient ce que j’appellerai “directifs” : l’intervenant (e) donnait des consignes, apportait les éléments de construction, le groupe ou l’individu trouvant certes ,différentes réponses, exécutait, expérimentait les consignes sous son regard bienveillant .
Les stagiaires ne préparaient jamais de travail ensemble, tout se faisait sous le regard de l’intervenant, pas de recherche de groupe ni individuelle en dehors de lui, présence permanente du maître, face au groupe, des questions sont possibles mais pas de point de vue partagé ou qui s’élaborerait ensemble;même si l’atmosphère est extrêmement agréable, tout part de l’intervenant, le groupe lui répondant.Cette méthode que nous pouvons utiliser, semble toujours efficace et donne l’impression que tout se construit, il suffit d’avoir bien élaboré à chaque fois une méthode de création,un parcours exprimé par des consignes efficaces.
Est-ce là une pédagogie artistique, comment cela rend-il le groupe capable de chercher, de créer, d’être autonome? sans doute est-ce un moment nécessaire du travail ,cela dépend-il de nécessités techniques car j’ai observé cela dans l’atelier musique, clown, discipline qui, effectivement demandent des compétences particulières mais en tout cas ,cela pose la question:quelle pédagogie artistique construire ?
D’autre part celui que j’appelle le “Maître” avait un statut tout à fait différent, en écoute et en retrait la consigne donnée, attendant que les actes soient réalisés par les stagiaires avec Garth (musique) tandis que Nikolaus intervenait en permanence stimulant, galvanisant celui, ceux-qui travaillaient (- la bande vidéo de cet atelier le montre d’ailleurs, on voit par Nikolaus, tout se lit sur son visage,il vit ce que les stagiaires font ou les devance pour les stimuler par sa parole, sorte de sous -texte propice à l’improvisation en cours).
De l’extérieur un tel fonctionnement de groupe structuré, centré par et sur l’intervenant en écoute de ses consignes donne l’impression qu’il fonctionne très bien, que c’est efficace et là j’ai pensé aux Commissions de suivi des enseignements artistiques qui peuvent se laisser innocemment piégées car d’autres groupes, dans d’autres ateliers pouvaient donner l’impression de désordre, de décousu, d’éclatement, de tâtonnement, d’intervenant absent et pourtant quand on a observé, non pas une seule séance, mais le processus sur plusieurs jours on peut se rendre compte qu’il en est tout autrement c’est le cas en arts plastiques et en écriture par exemple.
Dans ces ateliers c’est le groupe, les petits groupes, les individus qui s’impliquent, cherchent, apportent, proposent, échangent entre eux l’intervenant ayant donné non pas des consignes mais un enjeu pour chercher, pour élaborer leur démarche d’abord individuellement avec des moments en grand groupe ,chacun proposant aux autres ce qu’il a fait, l’explicitant ou pas, à partir de quoi le groupe réagit ,réfléchit,et construit une nouvelle proposition, on repart en petits groupes pour explorer une nouvelle aventure; à partir d’éléments plus individuels, l’intervenant dans ce cas semble en retrait mais il prend des risques, à l’écoute de ce qui se cherche car il se situe non pas dans ce qu’il propose mais par rapport à ce qui est proposé pour le stimuler, faire avancer, inventer, chercher avec, sans pouvoir prévoir ce qui sortira; certes on est sur une corde raide, certains stagiaires ne voyant pas où ils vont,peuvent être inquiets, peuvent trouver que c’est confus, peu efficace mais il y a à mon sens ici une véritable stimulation pour expérimenter.Les individus et le groupe n’étaient pas toujours ensemble ni avec l’intervenant, qui lui est là à disposition de chacun (ex. Rebotier,Rochetti) en fonction de ce qui est en cours et stimule , la relation est plus individuelle avec l’intervenant mais aussi les relations entre les stagiaires sont plus nombreuses; ils constituent des petits groupes sur des problématiques ou des affinités semblables, le groupe est garant ,témoin du travail de chacun et le discute .Peu à peu l’atelier devient une ruche, un atelier de recherche, les productions se multiplient individuelles à 2 ou plus ,des croisements s’opèrent même avec d’autres ateliers. Liberté de création , engagement ,responsabilité et interrogation me semblent davantage développés avec cette prise de risque,ce qui me paraît être une bonne attitude pour une pédagogie de l’art car les conditions me semble-t-il doivent-être réunies pour solliciter le stagiaire et le groupe dans une aventure dont on ne sait pas le résultat par avance pour développer les capacités d’inventions et non pas seulement permettre des réponses polysémiques, ce que d’autres disciplines peuvent faire.
Quelle pédagogie de l’art avec les élèves ? et comment la mettre en place dans le cadre du partenariat ? reste ma question principale après cette Université d’été qui m’a confirmée que même si nous agissons de ces deux façons en fonction du moment du travail théâtral, du groupe il y a peut-être à réfléchir collectivement sur les choix à faire, car sinon peu à peu l’enseignement de ces options risquerait de quitter le terrain de la recherche et perdrait toute spécificité et intérêt.
M.G.
 

L'APPORT DE L'ARTISTE

«A un moment où l'on s'interroge sur le choix des politiques à développer culturelle et/ou artistique ? à un moment où le Ministère de la Culture a choisi l’ élargissement des partenariats avec d'autres ministères,
à un moment où l'on parle de plus en plus de patrimoine culturel, d'activités, d'occupation, d animation
et à un moment où l’Éducation Nationale et les collectivités s'engagent dans les rythmes scolaires ou dans d’autres actions comme les rencontres de lycées ou de collèges sans prendre en compte les expériences des 15 ans de partenariat de l’Éducation Nationale avec les artistes.
Il me semble important d'affirmer ici que la présence de l'artiste reste irremplaçable à l'école et dès le plus jeune âge et d'essayer de comprendre la spécificité de son apport.
L'élargissement de la politique actuelle ne devraient pas faire naître de nouveaux métiers “les médiateurs”. Pourquoi créer de nouveaux intermédiaires, des interfaces sans ancrage, sans appartenance à un univers spécifique, qui seul permet de fonder parole et démarche; ne suffirait-il pas de former (formation initiale et continue) à l'action artistique et culturelle les artistes, les médiateurs déjà en place, les enseignants de la maternelle à l'université, les animateurs de loisirs, de quartiers, les directeurs même de salles de théâtre, les diffuseurs, les relations publiques, les acteurs, pour qu'ils puissent faciliter la rencontre, le lien entre la cité et l'art, en particulier le théâtre (un projet de société quoi ?).
Mon expérience de compagnonnage avec des artistes de théâtre m'incite à dire que toute politique d'éducation doit être artistique et culturelle, elle doit permettre une démarche créatrice, expérience essentielle et fondatrice du sujet.
Bien sûr l'artiste à l'école fait découvrir le théâtre, cet acte si archaïque de représenter le monde par des hommes devant d'autres hommes, monde qu'il poétise, qu'il représente métaphoriquement est une dimension essentielle, à notre époque du virtuel.
L'artiste à l'école permet d'expérimenter un processus qui met en relation le monde et l'intime,
un art de faire; gratuit en ce sens qu'il ne sert à rien, sinon d'art de faire.
- Il est celui qui donne accès à l'intime, qui permet ce risque car il met au centre une démarche nourrie de sa singularité, de failles et qui permet d'aller des formes, des règles de fabrication artisanale jusqu'aux désirs subjectifs.
Il s'agit d'écouter mais aussi de partager sa vision du monde par rapport à une sensibilité de rencontrer une subjectivité pour comprendre d'autres subjectivités. A travers l'acceptation d'une forme, d'une langue, c'est peut-être la reconnaissance de l'artiste mais plus globalement la reconnaissance de l'autre qui est en jeu.
L'artiste donne des règles, exige une rigueur, il peut apporter aux élèves qu'il rencontre l'envie de s'en sortir, de construire sur leurs faiblesses, leur irréductibilité, leur révolte, leurs aspirations, leur souffrance même; faire de leur vie une œuvre, devenir artiste de sa propre vie, trouver son itinéraire personnel mais en relation avec les autres. A un moment où le sujet est mis à mal par la déconstruction, la crise, la réponse artistique est un des derniers lieux où l'humain peut se fonder.
Il ne s'agit plus d'accumulation ni de comblement mais d'apprendre à vivre et de retrouver le sens de la vie quand l'économique fait aussi défaut c'est urgent.
L'expérience de la création fait aussi apprendre le deuil, le détachement avec l’œuvre et toutes les phases de création ne sont-elles pas comparables à celles qu'un sujet traverse pour advenir ?
Lors des rencontres précédentes du GRETE j'ai retenu quelques points de vue d'artiste sur leurs relations à l'école.
Catherine Marnas à Gap disait qu'elle donnait le droit de rêver
que le théâtre est le lieu où l'on peut dire que ça peut être autrement.
Hubert Colas à Marseille parlait de mettre en éveil, en état de conscience du monde les élèves qu'il rencontrait et surtout en choisissant la poésie comme forme d'expression fondamentale de sa présence au monde, partager cette façon d'être dans une société qui rejette toute forme de poésie et affirmer ce regard différent et être impliqué dans ce regard là, le transmettre c'était là l'irremplaçable de l'artiste.
Françoise Châtot insistait sur la rigueur, que tout théâtre est initiateur et si les élèves comprennent qu'il faut passer un certain nombre d'épreuves, ils ont atteint un seuil de sensibilité à ce que peut être un travail de création et c'est soudain l'éveil de créativité dans une structure une esthétique avec une exigence sans oublier la Culture et là l'artiste a un rôle nécessaire et irréductible disait-elle.
Nous sommes à un carrefour, quel choix, pour quelle société ?
Le modèle français des années 80 fait appel à l'artiste. Il commence à se diffuser en Europe.
Ce modèle spécifique correspond bien à un pays où les droits de l'individu et de la nation sont liés, s'il s'agit de faire appel à ce que chaque personne a de singulier pour fonder l'altérité et le respect de l'autre. L'artiste naturellement est celui qui sait le mieux structurer et rendre partageable ce qu'il y a de plus intime.
Si on s' orientait seulement vers une éducation plutôt culturelle et en relation avec, médiateur, animateur, pour partager le patrimoine commun et développer les potentialités des individus dans ce qui leur est commun, ne risque-t-on pas de faire un choix dangereux qui ferait passer du droit de l'individu à celui de communauté, des communautés et au delà à celui des ghettos, de libanisation; la ressemblance ne conduit-elle pas à l'exclusion de l'autre différent ?
Optons de fonder l'altérité en apprenant que l'autre est différent de moi et que le respect de chacun est fondé sur cette différence irréductible.
A l'heure Européenne la France doit affirmer sa conception particulière du citoyen et de l’État-Nation et choisir une éducation artistique et culturelle et avec l'artiste au centre du dispositif .Fonder les droits de la communauté aboutirait à des partitions sanglantes.
Enfin j'ose encore rêver d'une politique non pas de médiation mais de l'artiste dans la cité où il ne serait plus l'artiste employé voire parcellisé dans des interventions lors du passage en résidence mais bien l'artiste responsable avec une troupe, des lieux d'expérimentation, avec les jeunes, des écoles, des quartiers où le sens pourrait être au centre et non plus une politique marchande de diffusion des œuvres.
La culture, l'art ne doivent jamais devenir une marchandise»
M.G.

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